La Souris Verte de Rennes

Débat public sur les nanotechnologies : on se foutrait pas un peu de notre gueule ?

Florilège sur les nanotechnologies, extraits trouvés (à l’exception du premier), dans le matériel de campagne de la commission nationale de débat public.

lundi 14 décembre 2009 par Marianne

Le 7 janvier 2010 aura lieu à Rennes un débat sur les nanotechnologies, organisé par la Commission nationale de débat public. C’est le onzième sur les dix-sept organisés nationalement.

Pourquoi un tel débat ?

Un débat, c’est l’occasion de discuter et de confronter des points de vue. Ici, il est dit « public », c’est à dire ouvert à toutes et à tous, comme le montre cet extrait de la Dépêche AFP du 11 décembre 2009 :

« CAEN — 11/12/09 - Le débat organisé par le gouvernement dans différentes villes de France sur les nanotechnologies a repris jeudi, sous surveillance policière, à Caen, après avoir été interrompu le 1er décembre à Grenoble par des opposants à ces réunions, selon une journaliste de l’AFP. Le public, de 70 à 80 personnes, se trouvait dans une salle du château de Caen dont les entrées étaient filtrées par des membres de la commission nationale du débat public et les forces de l’ordre, a constaté la journaliste. Les experts se trouvaient pour la première fois depuis le lancement du débat en France, dans une autre salle que le public qui était en contact avec eux par visioconférence, selon la même source. Une seule personne dans la salle a tenté de s’opposer au débat, avant d’être évacuée par la police. Quelques dizaines de personnes ont été bloquées à l’entrée. Beaucoup distribuaient des tracts exprimant leur hostilité à un débat "truqué" selon elles. Certaines criaient "No, no, nano, le débat, on s’en fout, on veut pas de nanos du tout". Une trentaine de CRS se trouvaient face à eux devant l’entrée principale. »

Le pouvoir ne veut pas nous dire si les nanotechnologies sont bonnes ou mauvaises car il importe de prendre en compte l’avis du citoyen. On présente donc les choses de manière neutre.

Exemple de formulation neutre : « comme le souhaitent les pouvoirs publics, le dialogue sera appelé à se poursuivre, sous d’autres formes, favorisées sans aucun doute par l’utilisation des moyens électroniques appropriés (grandement redevables aux nanotechnologies). » extrait du dossier de présentation 2009 du débat public, intitulé « Développement et régulation des nanotechnologies » (ce dossier est réalisé par sept ministères)

C’est quoi les nanotechnologies ? Pourquoi les développer ?

Avant de commencer, il est sans doute bon de rappeler, comme cela est fait dans le dossier de présentation 2009 du débat public, que :

« ... les nanoparticules existent à l’état naturel... »

J’espère que ça vous rassure, moi beaucoup ! D’ailleurs, quand je vois une centrale nucléaire, je relativise car je sais que la radioactivité est naturelle. Pour les OGM, c’est pareil, car la sélection existe à l’état naturel !

Pour nous éclairer un peu plus, écoutons l’UIC (Union des industries chimiques) dans son « cahier d’acteur » au débat public :

« Le terme nanotechnologies couvre l’ensemble des études, techniques et procédés qui agissent à l’échelle du nanomètre, c’est à dire au milliardième de mètre. Il recouvre toute une chaîne de producteurs et d’utilisateurs engagés au bénéfice de l’innovation ».

En gros donc, les nanos c’est tout petit, et synonyme d’innovation, ça à l’air chouette, non ?!

Qu’il est bon d’être consulté avant que les innovations ne commencent !

« [Le dioxyde de titane] est utilisé dans les produits de protection solaire sous la forme de nano dioxyde de titane depuis bientôt 20 ans. » (cahier d’acteur de la FEBEA : fédération des entreprises de la beauté)

« ...le gouvernement a annoncé, en avril 2009, le plan Nano’Innov, doté de 70 millions d’euros. »

« Selon un inventaire récent, 800 produits présents sur le marché intègrent le fruit de recherches en matière de nanotechnologies. » « Les nanomatériaux sont présents dans tous les systèmes d’armes et font l’objet d’une attention particulière pour de nombreuses applications (...) » (extraits du dossier de présentation 2009 du débat public, intitulé « Développement et régulation des nanotechnologies »)

Quels sont les risques ? A-t-on le choix ?

Certaines peurs sont liées à la surveillance développée notamment avec les puces RFID. Mais tant que la CNIL est là, on est bien protégé :

« Même s’il mérite réflexion, le recours à la technologie RFID dans le cadre de l’assistance à des personnes atteintes de la maladie d’Alzheimer peut sembler légitime. » (cahier d’acteur de la CNIL : commission nationale de l’informatique et des libertés).

Tant que ce sont les animaux, les malades et les prisonniers qui sont pucés, on n’a donc rien à craindre...

Au vu des questions que posent les nanotechnologies en terme de pollutions diverses, de risques pour la vie privée, etc, on pourrait se demander si on en a réellement besoin, et mettre un terme à ces recherches. Mais ça mes amiEs, c’est être technophobe.

C’est pourquoi les plus combatifs des opposants participant au débat du CNDP demandent un moratoire. Malheureusement pour eux, les ministères avaient anticipé cette proposition, et expliquent, de manière toujours neutre et objective pourquoi c’est une mauvaise idée :

« Quant à un moratoire national, qui constituerait un frein à certaines avancées technologiques majeures particulièrement dans le secteur de la santé ou qui priverait la France d’une large partie du bénéfice en terme de développement économique ou d’emplois, pourrait-il être opérationnel alors que la diffusion des nanotechnologies et produits mis sur le marché se fait à l’échelle de la planète ? » (extrait du dossier de présentation 2009 du débat public, intitulé « Développement et régulation des nanotechnologies »)

Une autre approche révolutionnaire, c’est, comme on l’a déjà vu, la prise en compte du point de vue des citoyens, notamment avec l’idée de « conférence de citoyens ».

« Les expériences de conférences de citoyens menées de par le monde depuis trente ans démontrent que des citoyens profanes sont tout à fait aptes à aider à la décision publique, sans se substituer à la représentation nationale tout en apportant un surcroît de légitimation des choix. » (cahier d’acteur du Forum mondial sciences et démocratie)

En effet, on trouve beaucoup plus légitime que ce soit un panel de citoyens, par exemple de Franciliens, qui se « déclare majoritairement favorable aux nanotechnologies », notamment car ceux-ci ont la présence d’esprit d’émettre des conditions : « Nous ne voulons pas d’une société « big Brother ». Il serait inacceptable que le profit économique lié aux nanotechnologies se fasse au détriment de l’éthique ». (cahier d’acteur de l’Ile de France, avis et recommandations d’un panel de Franciliens)

On est rassuré, et on se range derrière l’avis de nos 15 compatriotes (naïfs ?) éclairés...

Mais cela ne résout pas la question des risques, que faire ? Et bien une solution s’impose : le principe de précaution défini par les ministères de la façon suivante : « ...loin de limiter les applications de la science, le principe de précaution vise à redoubler l’effort de recherche. Il ne saurait en effet y avoir d’identification ni de prise en compte précoce du risque sans procédures permettant de mobiliser et d’acquérir des connaissances scientifiques permettant de le valider et de le limiter. De même, pas plus qu’il ne s’oppose à la recherche, il ne constitue un obstacle à l’innovation technologique. Lorsqu’il est appliqué à une technologie nouvelle dont on peut redouter, au-delà des effets souhaités, les incidences sur l’environnement ou la santé, il peut certes, dans certains cas, ralentir la mise sur le marché, mais sans pour autant la bloquer, ce frein n’étant que temporaire et proportionné au risque identifié. » (extrait du dossier de présentation 2009 du débat public, intitulé « Développement et régulation des nanotechnologies »)

La solution miracle aux problèmes liés au développement des nanotechnologies est donc de développer la recherche sur les nanotechnologies. Il fallait y penser !

Alors, pourquoi tu penses qu’on demande ta participation à ce débat ?

« L’information du public, de manière rigoureuse et transparente, est le meilleur atout pour la construction d’un rapport de confiance qui se situera au-delà du débat jamais clos, entre technophiles et technophobes. C’est uniquement cette information qui permettra une approche sereine des innovations technologiques et ce, d’autant plus qu’elle sera complétée par une meilleure écoute du public et de ses inquiétudes et une attention vigilante et raisonnée aux alertes lancées par les associations de consommateurs ou les spécialistes de l’environnement. » (cahier d’acteur de l’Académie des technologies)

Les décideurs politiques ont besoin de notre présence au débat public pour légitimer les investissements, la recherche et les applications dans les nanotechnologies, qui sont déjà en route depuis des dizaines d’années, c’est pourquoi il nous faut nous battre dans d’autres lieux.

Y participer, c’est accepter.

« Mentir d’abord, affirmer que c’est trop tard ensuite et recouvrir le tout par une morale de l’inéluctable, « on arrête pas le progrès », voilà ce que demande la liberté d’innover. » Isabelle Stengers


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