La Souris Verte de Rennes

Quand le capitalisme lave plus vert que vert

vendredi 19 mars 2010 par La Souris Verte de Rennes

"La lutte écologique n’est pas une fin en soi, c’est une étape. Elle peut créer des difficultés au capitalisme et l’obliger à changer ; mais quand, après avoir longtemps résisté par la force et la ruse, il cédera finalement parce que l’impasse écologique sera devenue inéluctable, il intégrera cette contrainte comme il a intégré toutes les autres.", André Gorz, Leur écologie et la nôtre, 1974

Ecoblanchiment ou capitalisme vert ?

Pour certains, l’écoblanchiment est la récupération d’une image écolo par des entreprises qui n’ont pas d’engagements en faveur de l’environnement. Ainsi, la marque Herta est lauréate du prix Pinocchio attribué par Les Amis de la Terre, notamment car selon l’analyse de l’Observatoire Indépendant de la Publicité :

"Herta surestime la qualité verte de son produit. En focalisant le discours sur des ingrédients qui ont l’air authentique, la marque oublie, volontairement ou pas, les aspects moins naturels indirectement liés à la production de son jambon, à savoir les conditions d’élevages, la nourriture des porcs, et même les ingrédients qui entrent dans la composition du produit fini, qui ne sont issus de l’agriculture biologique. Présenté comme il l’est dans la publicité, le jambon véhicule une image écologique, rurale et traditionnelle qui ne correspond pas à la réalité."

Le site des Verts, écoblanchiment.com, dénonce notamment une publicité de Total en faveur d’éoliennes, étant donné que :

"Même si Total possède quelques éoliennes, celles-ci représentent une gouttelette dans l’océan des bénéfices de l’entreprise (plus de 12 milliards d’euros en 2007). Ces bénéfices proviennent quasiment exclusivement de l’exploitation pétrolière, de l’extraction à la pétrochimie, en passant par les pompes à essence." La critique accentue donc sur le budget publicité/communication verte, supérieure aux investissements dans le domaine de l’écologie qui eux sont faibles,voire nuls.

Mais il faut se méfier de cette définition très restrictive, qui permet à certains de se réapproprier cette critique, comme Le Collectif des Publicitaires éco-socio-innovants qui dans son manifeste « La pub est morte, vive la publicité éthique ! » entend lutter contre la défiance des consommateurs envers une publicité qu’ils jugent mensongère... et permettre par la même à des entreprises de se recycler. Ainsi, pour la très compatissante Green is Beautiful, l’écoblanchiment

"a été employé dès la fin des années 1980 avec une connotation extrêmement négative affectant l’image de certaines grandes enseignes qui s’y étaient malencontreusement aventurées, car mal conseillées par leur cabinet ou agence conseil."

C’est pourquoi cette "agence conseil en Développement Durable & communication éco-responsable qui associe l’accompagnement en stratégies RSE et biodiversité à une expertise en esthétique verte." (sic) aide des collectivités comme Rennes Métropole et des entreprises comme Danone ou Bouygues Construction à redorer leur blason et devenir de véritables entrepreneurs verts. La question de la publicité mensongère n’est donc pas la seule question à se poser.

Les Amis de la Terre l’ont bien compris en attribuant trois Prix Pinocchio (Droits humains, Environnement et Greenwashing) à des groupes ou personnalités comme Bollore, Total, Areva, EDF ou encore des banques et des agro-industriels.

Une société que l’on voudrait écologique ne peut pas seulement lutter contre des images mensongères, mais doit aussi lutter contre des systèmes de pensée qui portent l’illusion que l’on peut tout continuer comme maintenant avec pour seul changement une petite couche de vert.

"On arrête tout, on réfléchit..."

Il faut lutter contre le recyclage vert du capitalisme et son panel de solutions techniciennes et productivistes censées résoudre tous nos problèmes : OGM destinés soi-disant à lutter contre la faim dans le monde, nanotechnologies pour purifier l’eau, agrocarburants ou voitures électriques pour ne pas remettre en cause un moyen de transport devenu indispensable, nucléaire présenté comme une énergie propre malgré la catastrophe de Tchernobyl ou l’impasse du stockage des déchets...

Mais cette critique peut toujours être poussée plus loin : et si, à vouloir devenir politiquement correcte, l’écologie perdait son âme ? Nous pouvons ainsi nous interroger sur l’agriculture bio intensive, la production d’éoliennes industrielles ou encore la construction d’énormes centrales solaires, car l’écologie politique n’a pas pour objectif d’aménager le système, mais bien de renouveler notre imaginaire pour construire une société conviviale et viable pour toutes et tous . Les anti-industriels font une critique radicale de nos modes de vie :

"Et si à la place de résoudre sans cesse et sans succès les problèmes que crée la société industrielle, on remettait en cause nos modes de vie et de production ? Il y aurait surement moins de pollution et de cancers si on ne produisait plus de télévisions, de téléphones portables, de voitures, d’armes, de centrales nucléaires, et si on ne répandait plus d’engrais chimiques, de pesticides dans les champs... Ce sont les causes des problèmes qu’il faut attaquer, et non pas leurs effets." Tract anti nano contre la campagne d’acceptabilité de la commission particulière de débat public sur les nanotechnologies

La question qui nous parait centrale est bien de s’attaquer aux causes des problèmes et non à leurs conséquences... mais jusqu’à quel point ?

Où commence l’écoblanchiment et le capitalisme vert ? Nous ne souhaitons pas dénoncer des initiatives sincères en faveur de l’écologie, qui se posent à la fois la question de la façon dont les choses sont produites, mais aussi de ce qui est produit. Mais nous ne pouvons pas non plus toujours nous passer de produits qui font de nous de mauvais consomm’acteurs. En tous les cas, pas encore. C’est pourquoi nous réfutons l’idée que le changement doit avant tout être individuel et nous ne calculons pas notre empreinte carbone à chacun de nos gestes. Pour autant, nous ne nous défaussons pas de nos responsabilités, mais assumons certaines contradictions. Ainsi, faire de petits gestes ne suffit pas, car la lutte écologique est avant tout politique et concerne la société dans son ensemble.

Alors : que voulons-nous continuer à produire ? Quels sont nos besoins ? Nos envies ? Qu’est-ce qui est viable socialement ? Environnementalement ? Finalement, dans quelle société souhaitons-nous vivre ?

La Souris Verte de Rennes y réfléchit encore. Vous pouvez vous joindre à nous.

"...et c’est pas triste !"



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